PIERRE BAYLE (1647-1706) ENTRE FOI ET RAISON

Croyances et superstitions dans les « Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète »

S’il y avait un constat à faire sur l’œuvre de Pierre Bayle, philosophe et écrivain français, c’est certainement qu’elle mériterait une place beaucoup plus importante qu’elle n’a dans l’histoire de la pensée classique littéraire du XVIIe siècle, mais aussi que l’on souligne la portée et l’actualité philosophiques des thèses soutenues. En ce sens, avons-nous retenu d’interroger le rapport entre foi et raison, au travers de la critique des croyances et des superstitions telles que Bayle la présente dans le texte : Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète (deuxième édition 1683). Cette œuvre intitulée à l’origine Lettres sur la comète, parue en 1680 et rééditée en 1682, reste certainement le texte inaugural de la pensée de Pierre Bayle.

A l’origine, le prétexte de cette œuvre semble être le passage d’une comète en 1680, dont on disait qu’il augurait de grands malheurs pour les populations ou que, pour le moins, il était le présage, le signe d’un grand péril à venir. Bayle s’empare donc à cette occasion du phénomène et de ses interprétations par les savants, les docteurs, les rois et les gens de cour, mais aussi les « gens impressionnés » pour en faire une critique raisonnée et dénoncer d’une part, les croyances et superstitions comme des dérives du bon sens, mais aussi d'autre part interroger d’un point de vue exégétique la pertinence de telle croyance en des phénomènes comme l’astrologie voire le recours aux miracles comme fondement de la foi. Le texte est ambitieux, courageux, pertinent, engagé et difficile, mais il bénéficie à sa publication d’un très bon accueil. C’est quelques années après sa publication, neuf années exactement après, que les mêmes voueront l’auteur et l’ouvrage aux gémonies dans un contexte de crises politiques et religieuses. Ce revirement de l’opinion s’explique d’une part, par l’enjeu théologique de l’œuvre et d’autre part, par le contexte politique du règne de Louis XIV, le plus long de l’histoire de France, et son rapport difficile au clergé. Aussi, cette oeuvre de réflexion et de tolérance prend véritablement corps au cœur du XVIIe siècle en proie aux plus terribles affrontements entre catholiques et protestants. Nous sommes au moment où, à partir de 1681, pour donner satisfaction au clergé et à ses alliés européens, Louis XIV durcit sa position à l’égard des protestants jusqu’à la révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Édit qui, promulgué sous Henri IV, avait jusqu’alors assuré une concorde religieuse entre catholiques et protestants en donnant la liberté de culte à l’Église réformée dont le représentant en France fut Jean Calvin. Bayle, élevé dans une famille protestante suit avec intérêt les enjeux de ce débat et prend parti. Ainsi, au moment de la Révocation, en 1669, il abjure et se convertit au catholicisme pour dix-huit mois après, pour à nouveau abjurer et revenir dans le giron de l’Église réformée. Il devient alors relaps (celui qui a renié sa foi) et comme tous les relaps, il sera condamné, privé de ses biens et contraint au bannissement, il devient « réfugié », s’installe à Rotterdam et enseigne à l’École Illustre. Condamné par ses propres pairs en la personne de Jurieu, son ancien professeur, il devra défendre ce texte face à l’opinion.

Alors, pourquoi présenter ce texte qui est l’œuvre d’un jeune professeur de philosophie s’interrogeant sur l’interprétation que l’on fit des évènements suite aux passage d’une comète ? Certainement parce que nous sommes en ces années 1680, à un moment charnière de l’histoire des idées philosophiques et religieuses du XVIIe siècle. Pierre Bayle sera l’un des esprits critiques les plus brillants de l’époque, car d’un côté, il est l’héritier de la tradition classique comme tous les humanistes et prend place dans le débat rationaliste avec Malebranche ou Descartes dont il a étudié les œuvres et, d’un autre, il apparaîtra comme un précurseur du « Siècle des Lumières » par la place qu’il donnera à la raison : une place dans une théologie rationnelle dont on retrouvera l’inspiration dans le fidéisme voltairien. Pour autant, on ne peut réduire Bayle à une tradition plutôt qu’à une autre, on l’a dit athée, pyrrhonien, sceptique… tant le propos est critique et nourri d’une tradition exégétique biblique qui ouvre sur une leçon de tolérance et de réflexion quant à l’essence de la religion. Au détour de cette longue lettre philosophique, représentative de l’humanisme par son érudition, Bayle nous confronte à la question de la croyance collective profane au regard du sacré des miracles, de la Révélation de la foi individuelle.

Aussi, est-ce dans ce contexte politique et religieux très complexe qu’il convient d’interpréter son texte, car jamais il ne renie sa foi bien qu’on l’ait accusé d’athéisme, mais, au contraire, il prend le parti d’interroger la foi selon la raison poursuivant une réflexion théologique sur un usage de la superstition dans le champ de la religion. Pour ce faire, dans la plus pure tradition rationaliste, Bayle prend appui sur le corpus des textes scientifiques de l’époque pour fonder une réfutation en règle sur le caractère déraisonnable de ces croyances profanes (astrologie, arts divinatoires) mais aussi de certaines connaissances sacrées (Eucharistie, mystère de la Trinité, miracles). Ce que combat Bayle d’abord et avant tout, est situé dans la première partie du texte, la piété populaire fondée sur ces rites et superstitions qui sont la source d’une crédulité aveugle et d’un dévoiement de la raison. Une sorte d’« abêtissement » au sens pascalien du terme vouant l’homme à l’obscurantisme. Il s’appuie sur le passage de cette comète pour montrer à quel point les gens ont recours à « la pensée magique » pour interpréter ce qu’il considère surnaturel comme le signe d’un présage terrestre. Aussi, Bayle invoque-t-il immédiatement un mésusage de la raison dans une telle interprétation des signes de la nature : « Que les présages des comètes ne sont appuyés d'aucunes bonne raison » (Paragraphe 3). Le ton est donné et l’ouvrage devient un exercice rhétorique argumentatif, exemples contre exemples, arguments contre arguments, faits contre faits, traditions contre traditions, il traque avec minutie, pourfend par l’érudition dans tous les domaines de la vie religieuse ces manquements au principe de raison dont il déclare qu’il constitue finalement les fondements de l’idolâtrie religieuse voire d’une forme d’obscurantisme jusqu’à écrire que si « les comètes étaient un présage de malheurs, Dieu auroit fait des miracles pour confirmer l’idolâtrie du monde » (Paragraphe 57, septième raison, tirée de la théologie). Sur quoi se fonde Bayle pour dénoncer la croyance au nom de la raison ? Il y a là à notre sens deux arguments pour répondre à la question : l’un épistémologique et l’autre théologique. En effet, d’une part, il suit l’esprit du rationalisme scientifique cartésien (Mathésis Universalis) et prend appui sur les rapports que l’on peut établir par la science entre l’observation et l’interprétation des phénomènes, en se gardant de déroger aux règles logiques du raisonnement tout en se méfiant de « la tromperie de nos sens » dans l’étude des phénomènes. D’autre part, il n’exclut pas que la théologie naturelle puisse « cohabiter » avec une théologie rationnelle : ce qui signifie que Dieu est connaissable par la raison qui n’exclut pas l’idée d’une révélation de la foi. L’argument épistémologique, nous amène à considérer le grand bouleversement introduit par la Galilée lorsqu’initiateur de l’expérience dans les sciences de la nature (étude de la chute libre d’une bille d’acier depuis la tour de Pise), il montre qu’astronomiquement ce n’est pas le soleil qui tourne autour de la terre, mais la terre qui tourne autour du soleil : passage historique du géocentrisme à l’héliocentrisme. Par voie de conséquence on considère que l’homme n’occupe plus une place majeure dans l’univers et quelques années après, Descartes affirmera que le bon sens est la chose la mieux partagée du monde posant l’universalité d’un être doué de raison capable d’agir selon des principes et capable d’établir un ordre de la nature selon cette même raison. Aussi, si Bayle connaît parfaitement l’œuvre de Descartes, il prend aussi appui sur ses interlocuteurs et ne manque pas de citer Malebranche qui dans la doctrine de l’occasionnalisme interroge le fait que Dieu peut être cause de mouvement dans la nature mais aussi de celui des âmes : « c’est à l’occasion que les choses se produisent ». Mais si tel est le cas, l’homme doué de raison peut-il poser un ordre et une finalité de la nature au détriment d’un plan divin qui serait l’expression de la volonté de Dieu ? Cette Nature n’est-elle pas d’abord l’expression d’une libre volonté divine ? Ne devrions-nous pas considérer le problème des fins de l’homme et de la nature ? Or, tel est bien la question posée par Bayle : qu'est-ce qui peut être corrompu dans la raison pour que l’esprit souscrive à de telles croyances ? Si l’on s’était contenté d’une analyse qui relève d’un simple examen de conscience, on aurait pu conclure du point de vue théologique à une perversion de l’esprit par quelque démon, mais Bayle ne s’en tient pas là. Il suppose que ce sont les enseignements qui pourraient être corrompus et donc source de la corruption des esprits ce qui rendrait « les personnes crédules » et dévotes. Pour Bayle, c’est le culte et donc certains contenus des enseignements religieux catholiques qui ne sont pas conformes au principe de raison et il s’engage dans une démonstration où étape par étape, il pose et réfute un à un les arguments en comparant les croyances profanes des athées polythéistes aux croyances sacrées de l’église (mystère, Immaculée Conception, rites, culte des images…). Notons au passage que du point de vue littéraire la méthode argumentative de la Lettre ne peut que retenir l’attention. Le raisonnement est dans la tradition aristotélicienne dont la figure est le syllogisme que l’on retrouvera dans La Logique ou l'art de penser , publié pour la première fois en 1662 de Nicole et Arnaud, texte qui marquera la théorie de la connaissance du XVIIe siècle, mais aussi du XVIIIe siècle quant à l’étude des signes linguistiques, mais aussi des signes religieux (Eucharisties, Trinité). Ce qui confère aux « Pensées sur la comète » de forme épistolaire, une trame argumentative efficace avec des prémisses et une conclusion. On peut aussi noter que les dialogues du texte semblent emprunt des éléments de la logique médiévale où l’on trouve une tradition de l’argumentation connue sous le nom de disputationnes et refutationnes, qui permirent au auteur comme Guillaume d’Occam d’établir les prémices logiques de l’argumentation dont la méthode est retenue dans la tradition philosophique sous le nom trivial de « rasoir d’Occam ». C’est certainement là quelques éléments de structuration du texte qui permirent à Bayle de cheminer selon ce principe de rationalité pour poursuivre son analyse au plus proche de l’exégèse biblique. Car l’idolâtrie n’est pas le simple fait du commun des mortels, mais elle s’est glissée tout autant dans l’athéisme que dans la tradition du culte chrétien. On comprend alors que si l’argument est à des fins didactiques, la comparaison à des fins théologiques ne pouvait aller de soi et ne pouvait que susciter de vives polémiques. S’il cite les rites profanes ou les oracles invoqués par Horace et Cicéron, s’il décrit toutes les mancies, chiromancie, géomancie, auxquelles pouvait croire Eusébe, Plotin (par 80), c’est pour mieux démontrer leurs similitudes avec les rites religieux catholiques, prouver qu’ils sont dans l’erreur et fonder sur une perception fausse de l’essence de la nature des choses. Il montre également que les hommes doctes ou hommes de savoirs ne sont pas épargnés par ces superstitions qui ouvrent sur les arts divinatoires emplissant, selon Bayle, le monde de superstitions. C’est alors qu’il change de plan d’analyse pour se consacrer à la nature exégétique des doctrines du point de vue de la raison et montrer comment la corruption de la raison semble utile aux hommes de pouvoirs. La superstition tient ses fondements dans des conceptions erronées de la matière, dans une confusion des causes et des effets, des causes avec les effets, mais plus encore la doctrine est trop éloignée d’une forme naturelle de la raison. La raison reste l’art du raisonnement, de la déduction pertinente et non la possibilité d’une interprétation au motif de l’action obscure de signes cachés sur les hommes et la nature qui permettrait à quelques puissants de les tenir en dévotion. C’est en ce sens que les comètes ne peuvent être produites par des miracles et les miracles ne devraient pas infléchir les comportements des hommes au même motif qu’il y aurait des commandements secrets divins qui pourraient amener, parfois, à faire des choses condamnables, mais qui dispenserait l’homme du moindre remords, car elles seraient dans l’ordre de ces choses divines secrètes et mystérieuses. Allant plus loin dans cette recherche de l’essence de l’interprétation de ces signes, volonté de Dieu, il en dénonce, par exemple, l’utilisation politique dans la volonté de conquête de la France en Europe (Paragraphe 246), mais aussi, la possibilité donnée à chaque homme de justifier ses erreurs par des causes externes, une sorte de fatum (destin) inexorable. Progressant dans sa démonstration, il convoque l’argument théologique au regard de la raison démontrant que l’une et l’autre n’en sont pas contradictoires excepté pour les obscurantistes, les devins et les magiciens. La théologie n’est-elle pas un logos (discours, raison) sur theos (Dieu) ? Pour Bayle, il s’agit de retrouver le chemin d’une théologie naturelle en proposant cette théorie de l’interprétation critique de l’idolâtrie. Sur ce point, au-delà de la construction difficile du texte au point de vue littéraire, il tente de clarifier le rapport entre ce qu’il nomme « la lumière naturelle » (l’homme éclairé par nature) et les fondements de la religion naturelle (un ordre divin de la nature) dans lesquels allant beaucoup plus loin, il tente de fonder les conditions d’une morale rationnelle débarrassée de toute croyance profane. Chaque terme de la lettre fait intervenir une multiplicité d’interlocuteurs, de doctrines théologiques, d’écoles de philosophie qu’il soumet à la question pour les amener au point de leur propre contradiction, car il conserve un horizon rationnel et pose la question de la finalité de l’interprétation des présages. A quoi servent ces interprétations ? A qui servent ces interprétations ? Le débat s’est infléchi, il pose la question des fins tant du point de vue téléologique (les fins du point de vue de la nature) et du point de vue eschatologique (les fins du point de vue religieux). Rappelons au passage que la lettre est précisément une réponse à un docteur de la Sorbonne, afin de clarifier le sens que l’on peut donner à l’interprétation de ces présages qu’il entend comme autant de superstition au cœur même des fondements de la religion : c’est donc aussi les hommes de savoirs qu’il vise. Ces erreurs ne seraient-elles pas la source de ce que Kant appellera plus tard le mal radical ? Or, pour Bayle la question est de savoir si en invoquant les causes extérieures à notre nature, une forme d’irresponsabilité théologique ne naît pas, car alors l’homme serait indéfiniment conduit au mal par ces mêmes causes. Il n’est que de voir comment les hommes s’entretuent au nom de la religion nous dit Bayle. : (Paragraphe 132 Que les idolâtres ont surpassé les athées dans les crimes de lèse-majesté divines). Ce qui est donc visé par ce texte est finalement la nature de l’homme et son « éclairement naturel » qui seraient contrariés par ces fausses sciences et ce recours aux miracles. Mais ne nous y trompons pas, Bayle posera les mêmes questions à l’endroit des protestants, car catholiques romains et protestants, de la même façon, récusent la raison au motif qu’il y a des choses inconnaissables dans la nature divine, mais aussi, il les renvoie dos à dos quant à l’usage et la justification théologique de la violence armée pour les conversions. On retrouve sur ce point précis l’affrontement manichéen entre le Prince des ténèbres et le Prince des lumières cher aux augustiniens ainsi que cette question du mal sur Terre, incarné par les « deux cités » dans la Cité de Dieu, selon St Augustin.

Entre foi et raison, Bayle ne reprend-il pas le débat ouvert par ces augustiniens pour lesquels « croire, c’est savoir et savoir c’est croire ». Si l’on évoque St Augustin, évêque d’Hippone, c’est certainement parce que dans ce que l’on appelle la doctrine de l’Illumination, il est le premier à avoir posé le fait que l’usage de la raison était essentiel pour asseoir le dogme catholique, mais aussi convaincre les gentils (en latin Gentiles, de l’hébreu Gohim).E.Gilson, commentateur français de Descartes le considère d’ailleurs comme un précurseur de Descartes. Bayle voulait accorder les lumières de la philosophie avec les lumières de la conscience, de la même façon St Augustin introduit l’idée que la raison reste le moyen de guider la conscience individuelle. Car c’est bien la préoccupation de Bayle dans le dernier tiers de ces pensées où il s’interroge sur les vicissitudes de l’âme humaine, en terme moderne nous dirions une forme de la conscience humaine. C’est à cette conscience individuelle que l’un et l’autre s’adressent pour déterminer la foi. Cette conscience individuelle s’enracine dans cette théologie naturelle qui fournit la matrice de toutes interprétations des Ecritures et permet à l’homme de choisir entre le Bien et le Mal. Le rapprochement sur des éléments doctrinaux avec St Augustin ne peut se faire sans mentionner la pierre d’achoppement de la conversion des infidèles et des athées, car Bayle ne se reconnaît pas dans l’interprétation augustinienne du « Fais les entrer » qui pour Augustin supposait la possibilité de la conversion par la force. Pour autant, Bayle reste en prise avec cette idée de la lumière naturelle qui est d’essence divine et seul capable de construire une compréhension des Ecritures et donc des signes sur l’idée d’une volonté libre.

Bayle reste au terme de l’œuvre un auteur complexe, car pétrit de doute. Certains l’on dit pyrrhonien, car il pratiquait la suspension du jugement pour mieux poser les principes… Ainsi, conclut-il dans ces pensées sur la comète, le 11 octobre 1668, au docteur de la Sorbonne que « les comètes sont des corps aussi anciens que le monde… sont déterminé à passer de temps en temps… sur quoi l’on peut consulter messieurs l’Académie royale des Sciences. Qu’au reste, leur passage dans notre monde n’est d'aucune conséquence ni en bien, ni en mal, non plus que le passage d’un indien en Europe. » (Page 513, conclusion). Cette conclusion pleine de bon sens, emprunte de rationalisme, ne sera pas démentie par la suite de l’œuvre.

Il poursuivra un effort de réflexion publiant , durant ses différentes périodes d’exil, parfois sous des noms d’emprunt où anonymement pour critiquer la Réforme depuis Londres par exemple, et l’on s’interroge encore aujourd’hui sur le sens de certains textes. Pour autant, ceci ne fait qu’ajouter à notre sens, dans cette période trouble, la difficulté qu’il y avait à vouloir concilier la foi et la raison contre toutes les formes de croyances qui pourraient «déposer » les peuples dans les mains de magiciens ou de devins utilisant la religion comme le moyen d’affaiblir la raison et l’esprit de discernement. C’était là autant une critique de l’usage des pouvoirs dans la politique comme dans la religion qui pouvait préparer en quelque sorte les esprits à une interprétation magique de la nature et ses manifestations. Le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel ont toujours été partis liés ; a fortiori pour le XVIIe siècle français quand Louis XIV devint monarque de droit divin. L’œuvre de Bayle, fut saluée pour partie au XVIIIe siècle notamment par Voltaire, mais peu d’auteurs eurent le courage de poursuivre une telle réflexion critique, attaquée de toutes parts qu’il fut. C’est une œuvre dont la leçon reste d’actualité quant au retour des croyances de toutes sortes, sacrées ou profanes, mais aussi qui pourraient tout autant nous amener à conserver du discernement dans ce qui devient « une religion de la science » sans que l’on sache trop réellement de quoi l’on parle. Si l’on pouvait conclure par cette anecdote…Il y a quelques mois à la faculté de la Sorbonne, une astrologue française a soutenu une thèse de Doctorat, pour défendre les fondements rationalistes de l’astrologie…elle fut admise et devint Docteur !