L’IMPUTABILITE COMME CONDITION DE L’INTENTION

A la lumière des récentes affaires qui ont défrayées la chronique fût-ce par le biais de la médiatisation des victimes mais aussi, et de plus en plus, des éléments juridiques des dossiers, livrés en pâture au grand public, force est de constater que la chose judiciaire semble souvent en passe d’être requalifiée voire redéfinie dans une sorte d’exercice immédiat d’interprétation sur le sens que l’on peut donner non pas aux faits, mais à l’acte. Comme si le fait juridique ramené à l’aune de la conscience collective se ramenait pour chacun à refaire le trajet d’un acte porté par une intention souveraine et une volonté libre. L’opinion publique, paradoxalement, tranche le débat bien plus vite que l’expert ou le législateur et ce, souvent d’un point de vue moral rompant ce qui fait souvent l’essence même de la chose juridique voire de la chose jugée la distinction originelle profonde entre légalité et moralité. Or, en la matière et en l’occurrence, pour reprendre le titre de la thèse de Monsieur Husson, c’est bien sur l’inertie de cette trajectoire des transformations de la responsabilité qu’aujourd’hui nous sommes ramenés à discuter les enjeux modernes de ce que peut- être le sens à donner à l’acte dés lors que l’on considère que l’esprit contemporain soude le droit civil au droit pénal par le truchement des réquisits premier des sociétés modernes entrées dans une logique du risque et de la garantie, lesquelles sont dans l’essence du principe de précaution mais plus encore vise à promouvoir l’extension de ces garanties en demandant aux législateur d’encadrer le fait de manière qu’on puisse y déterminer l’exercice d’une volonté souveraine comme si la science du droit au travers de son objet devait être en charge de légiférer sur un sujet politique voire un sujet psychologique dont on peine aujourd’hui à cerner les contours tant le psychologisme a envahi autant les cours que les prétoires. Or, l’un des paradoxes et l’une des difficultés majeures aujourd’hui est certainement de voir que pour résoudre le dilemme entre « le mal commis et le mal subi », entre la dialectique du crime et du châtiment et celle de la faute et de la réparation, on doive s’interroger sur le sens premier de l’acte, c'est-à-dire qu’en dernière instance, c’est l’intention qui est interrogée comme critère d’évaluation de l’acte. Comme mise en perspective de l’action, l’intention serait alors la clef même de la commission non du point de vue de la chose jugée ou à juger, mais bien de ce qui promeut l’acte dans le corps des délits, et c’est bien ici que la question se démarque dés lors que nous sommes d’une part renvoyé à la typologie des crimes et délits qui en son sein contient la qualité et donc la qualification des actes pour dire que et surtout rappeler que depuis le XVIIIème siècle, l’objet de la science juridique est bien le produit de la théorie de l’enquête , c'est-à-dire le produit de la raison. D’autre part, et cet élément est non des moindre, le sujet juridique tel qu’il se pose aujourd’hui se voit ramener dans une sorte de renversement historique à être comptable de ses propres actions devant la justice encore autrement dit et c’est bien, la révolution copernicienne après l’heure du droit que d’interroger aujourd’hui la personne juridique sur les fondements de son acte, c'est-à-dire de demander à un sujet responsable s’il était porteur d’une intention ou pas, ce qui revient à chercher au cœur du droit les limites de l’agir pour reprendre Paul Ricoeur : « une herméneutique de l’action ». C’est là une grande difficulté à laquelle la justice et surtout le législateur se trouvent confronté aujourd’hui, dans la mesure où la question est inédite à plusieurs titres. En effet, si en matière de droit, l’objet s’objective dans la qualification des faits, c’est qu’il prend corps dans l’idée que s’il y a commission d’un acte délictueux, un coupable et une victime, la chose à juger existe. Or, un paradoxe et non des moindres, aujourd’hui semble signifier que l’acte ne contient pas la totalité de l’action et cela apparaît lorsque l’on réfléchit sur l’intention laquelle a repoussé les limites de la qualification des faits au-delà de la question de la responsabilité laquelle reste du côté de la chose juridique : par principe on est responsable de ses actes même si l’on prouve que l’auteur n’est pas responsable, notamment dans le cas de non imputabilité prévue par l’art. 122-1 du Code pénal, c’est là la rigueur que l’on peut trouver en matière de droit depuis que l’on peut objectivement imputer les conditions de l’acte à un auteur supposé libre et responsable ce qui supposait historiquement l’émergence de l’autonomie d’un sujet juridique. Pour autant, on comprend que l’imputabilité ne suffit à définir dans sa totalité l’acte mais qu’elle permet de savoir à qui l’on s’adresse ce qui n’est pas rien ! Car pour ce qui nous intéressera plus particulièrement dans notre propos, c’est du point de vue de l’imputabilité qui doit rester « la possibilité de répondre pénalement des conséquences de son comportement » laquelle ouvre la détermination de la responsabilité. Or, apparaît ici une grande difficulté que nous aurons à évoquer car force est de constater que si nous restons dans le champ de l’imputabilité, l’infraction commise donc imputable, ne supprime pas le fait que cette imputabilité renvoie à la commission de l’acte en tant que tel : c'est-à-dire dans sa définition pénale stricto sensu comme le propre de la personne juridique ce qui renvoie à cette sphère de la qualification mais plus encore l’imputabilité en distinguant par voie de conséquences l’agent de l’acte et repousse la recherches des fondements de cet acte dans la distinction entre le discernement et l’intention. En ce sens, le discernement comme l’intention occupe aujourd’hui une place importante en droit pénal et au travers des évolutions et réformes du code pénal montre que ce sont les enjeux même de la morale de la responsabilité qui sont de nouveau interrogés en dernière instance. Aussi, a-t-il semblé judicieux de cerner autour des fondements du droit pénal comment la question de l’intention distinguée, semble occuper progressivement une place de plus en plus importante dans la détermination des fondements de l’acte dans la mesure où l’évolution du droit d’une manière générale mais aussi et plus particulièrement du droit pénal semble en dernière instance devoir trancher sur l’élément moral des délits et souvent en l’occurrence et parfois en l’espèce, devoir spécifier dans l’évolution des objets juridiques entre la faute caractérisée et la faute délibérée ce qui pourrait constituer le corps de l’intention. Aussi, pour clarifier notre propos avons-nous fait le choix didactique du rapport entre la pratique et la théorie dans le souci de rester au cœur du débat juridique.