L’impressionnisme s'inscrit dans le cadre des idées d'ordre et de progrès issues du positivisme d’Auguste Comte . Dans un contexte politique mouvementé à partir de 1839, on devra au député et scientifique Arago d'une part, la possibilité du développement de l’invention de la photographie qui ne sera pas promue au départ par les peintres mais par les hommes de sciences et d'autre part, la possibilité du mouvement de se développer. Dans un contexte d'évolution technique et de bouleversement des idées, l'impressionnisme est donc né d'une part de ce progrès technique dans les outils des peintres, d'autre, part dans une nouvelle approche, un nouveau regard sur la nature. Le premier fait marquant de l’impressionnisme : les peintres quittèrent leurs ateliers pour aller travailler dans la nature. Une révolution allait s’opérer dans le monde des arts. Mais revenons un instant sur la naissance du mouvement dont on trouve un témoignage dans, Baudelaire critique d'art. L'histoire commence par le refus du Salon de Paris d'exposé le déjeuner sur l'herbe de Manet, le tableau représentant une femme dans un paysage bucolique est refusé au motif de son amoralité, mais pas seulement. En réaction, des artistes forment le groupe des impressionnistes, Monet, Cézanne, Sisley, Pissaro...et se proposent alors d’organiser en 1839 un salon, « le salon des refusés » qui se tiendra chez Nadar. Un peintre qui est devenu photographe. Les critiques ne manqueront pas, le journaliste Leroy inventera le terme impressionnistes pour dénoncer la techniques par impression des peintres comme une décadence. Une nouvelle manière de représenter la nature est née, mais c'est d'abord et avant tout un nouveau regard sur la nature et le paysage qui va faire entrer cette représentation dans une forme de modernité. Nous errons dans un premier temps comment les œuvres paysagères s’inscrivent dans ce contexte, puis nous verrons en quoi la photographie introduit un moyen nouveau au service le la représentation qui rend des paysages à ce jour inédit et enfin nous verrons comment cette représentation du paysage a construit un rapport inédit et cette modernité.

Si les peintres ont pu quitter l'atelier c'est qu'ils en eurent les moyens techniques. En effet , il faut noter que l'invention du tube souple de peinture en étain en 1850, le chevalet portatif et le développement du réseau ferroviaire furent les principales raisons techniques de l'expression de ce mouvement.Il faut noter que si le paysage est issue d'une longue tradition que l'on pourrait dire classique dans la peinture européenne et notamment hollandaise des XVII éme et XVIII ème siècle. Les paysages représentent souvent des scènes qui empruntent leurs références historiques à la mythologie grecque, romaine ou à la bible, on y trouve une expression de la nature très académique avec un dessin ou une peinture emprunt d'un grand classicisme. Ainsi, on pourrait prendre un tableau de Renoir ou Monet pour marquer l'entrée dans cette nouvelle approche du paysage et de la nature. D'une manière générale, la présence du peintre dans la nature crée d'emblée une mobilisation des sens qui amènent dans les tableaux une forme de sensualisme. On voit les blés couchés par le vent, les embruns de bord de mer, la chaleur plombante sur une scène de pic nique, une plaine sous le givre, une forme de sensualisme dans la représentation des paysages apparaît et se dégage des œuvres. «Impression soleil levant » est emblématique à ce titre. Exposé au Musée Marmottan, c'est une toile de 48x63, représentant le port du havre, un lieu important pour l'artiste, car il y est né. On suppose que cette vue aurait pu être peinte de la chambre de son hôtel . Choisir le lieu dans une sorte d’exercice intimiste montre comment les impressionnistes en contact avec la nature peuvent mettre en scène ce qu'ils ressentent et voient .Au premier plan, il y a cette barque et dans le fond , la zone en cours d’industrialisation du havre. Tout se joue entre le port, la mer, et le ciel azur qui surplombe. On comprend l'enjeu de la représentation dans le le jeu des couleurs et ces impressions. Le tableau se résout non plus dans une technique picturale, mais dans un effet. L’impressionnisme amène à reconstituer le tableau comprenant que l’œil résout les contrastes. Cette idée utilisée par les peintres leur donne une grande liberté d’exécution, car ils approchent la nature par touches comme libérés du trait . De plus, il connaissent différemment la question des couleurs ce que l'on trouvait autrefois par couches successives, se compose ici dans les juxtapositions de couleurs : Manet dira de Monet « c'est le Michel Ange du reflet des eaux ». Ils préparent différemment leurs toiles et connaissent les progrès des recherches sur la couleur : rouge/vert, rouge/blanc, jaune /violet sont les bases des couleurs complémentaires de ce jeu, excluant noir et brun qui « plomberaient les paysages ». C'est la « Seine à Bougival » de Sisley où l'on voit que le paysage inaugure une autre forme du point de vue qui en fait un autre traitement de la perspective. La composition change comme si on vivait le déplacement du peintre dans la nature. Scène familiale et bucolique en bord de Seine , la mère proche de l’enfant, douceur de vivre comme un arrêt sur image qui révolutionne le point de vue. Une nature vivante.On suppose que les impressionnistes pour certains se sont inspirés du principe des estampes japonaises où le point de fuite est en avant comme chez Utagawa Hiroshige. C'est en cela que la photographie apportera au peintre, un moyen de figer les scènes ce qui leur permet de fixer leur impressions grâce aux premiers appareils transportables. Pour nombres d'entre eux, on possède la photographie et le tableau. Par exemple « après le bain » de Degas, photo datée de 1895 et tableau de 1896 Ainsi, toute la modernité du paysage s'inscrit dans les scènes de la vie courante, on pourrait supposer que la photographie doit beaucoup aux paysages impressionnistes, car les peintres ont révolutionné la couleur, le point de vue, mais aussi une sorte de mise ne scène la vie. Ils racontent, ils se racontent. « Gelée blanche, ancienne route d'Ennery , Pontoise 1873 » de Camille Pissaro montrent des paysans travaillant au champs, on ressent le poids des fagaux sur leur dos, la campagne est immaculée. C'est là toute la particularité et la modernité de ces paysages où tout se jouent dans les conditions d'un monde en mutation.

C'est une sorte de plongée dans la vie que les impressionnistes ont apporté en augurant d'un nouveau monde, d'une nouvelle liberté dans la représentation de la nature et des paysages. Cette sensation de liberté dans les œuvres empruntent d'un souffle. La modernité c'est peut-être ce regard neuf qui a fait comme un accord entre l'homme et la nature ouvrant la porte aux représentations les plus modernes. On pourrait dire pour plagier Montaigne, les impressionnistes sont la matière de leurs tableaux tant ils ont inauguré une conception organique du paysage, une poésie de la contemplation.