Le goût peut-il être subjectif et avoir une norme ?

On se querelle souvent autour de la question du goût pour parfois finalement conclure, mais tu n'as aucun goût. Comment peut-on distinguer la personne qui a du goût de celle qui n'en aurait pas. Cela signifierait que bien que le goût soit subjectif, le propre du sujet, il y aurait comme une norme du goût extérieur au sujet, mais si tel est le cas le goût peut-il être subjectif et avoir une norme ? Si le goût peut être le propre du sujet, quelle serait cette norme ? Ne correspondrait-elle pas aux règles de l'art ? Dans ce cas et dés l’apparition des beaux arts et de leurs classement, mais aussi de leur hiérarchie, on peut dire qu'une règle du goût est apparue au XVIIImé siècle. On distingue alors la règle du goût qui distingue le bon goût, du mauvais goût : le goût est normé parce qu’il y a des règles de l'art, comme si l'objet était la condition . Les règles de l'art s'établissent comme s'il y avait un accord entre le jugement et les qualités normées de l'objet. Pour autant, ne faudrait-il pas supposer que avant toutes normes, le goût est avant tout subjectif car on peut dire avec Hume que la pluralité des goûts est le propre du sujet : tous les goûts sont dans la nature.Dans ce cas, il ne pourrait y avoir de norme du goût. Le jugement de goût serait en quelque sorte totalement libre et inconditionnelle. Mais entre le jugement de goût réglé par l'esthétisme, les règles de l'art qui sont un accord des facultés selon Kant , la liberté du goût par nature que l'on peut postuler ne devrait-on pas finalement envisager que le goût est normé non pas par les règles de l'art mais par la culture, c''est à dire que le jugement de goût est conditionné et normé par une forme extérieur à l'art, c'est la critique de Bourdieu mais aussi de l’école de Francfort. On parle d'un « d'un beau plat », « d'une belle voiture », « d'un beau tableau » comme s'il n'y avait plus de règle du goût, plus de goût.

Revenons sur le fondement du goût qui est en quelque sorte une disposition première par nature. L’esthétique renvoie à cette première idée, aesthesis c'est la sensation. Le goût est surjectif parce qu’il renvoie d'une part à la sensation et d'autre part à ce que nous pensons quand nous émettons transmettons un jugement. La difficulté tient déjà à la nature de ce jugement, je peux dire j'aime cet éclair au café comme j’aime ce tableau, dans le fait d'aimer une œuvre, on se fait d'abord et avant tout plaisir. Mais il y a un rapport entre l'objet et le sujet, car le goût n'est pas indépendant d'une régle bien que relevant de l'agréable ou du plaisir en première instance. On peut en effet supposer qu'il y a une sorte d'harmonie préétablie comme pour Platon, entre le monde le monde des idées, le monde intelligible et le monde sensible. S'il se défiait de l'art bien que trouvant une utilité des artistes dans la cité, c'est au motif que l'art ne pouvait être qu'une imitation de la nature et la mimesis est impossible. Ceci pour établir que le beau, n'est pas le bon. En effet lorsque l'art prend tous son sens au XVIIIme siecle, il faut rappeler que Kant dans la critique du jugement distingue l'agréable du beau, le bon du beau. Il dessine une table des jugements, « le beau est ce plaît sans concept comme objet d'une satisfaction universelle » alors que le goût est du coté de l'agréable et du plaisir. C'est en ce sens que l’apparition, l'acte de naissance, des beaux arts, leurs classement entre mineurs et majeurs ,la naissance du terme esthétique fondent les règles du goût. Le jugement de goût est normé par les règles de l'art dés que le beau est comme détaché du goût. Molière parlera du mauvais goût « du petit goût » de ses contemporains. Nous jugeons parce qu’il y a des règles de l'art qui marque l'accord entre le sujet et l'objet.Il y aurait une sorte de prérequis dans le jugement de goût, une norme. C'est l'idée qu'il y aurait une éducation du goût et cela suppose des régles. Or, c'est un paradoxe contemporain où l'on voit des performances artistiques qui ne supposent pas une théorie comme décrite pas Paul Klee dans théorie de l'art moderne ou Kandinsky dans du spirituel dans l'art. Mais des performances qui font appel à une mise en scène de soi, au cinéma, en littérature, en peinture...une sorte d'écriture de soi moderne. Comme si la sensation était devenu la règle au motif que la nature fait bien les choses notre nature : notre nature devient la mesure ou la démesure de toute chose Mais si tel était le cas pourquoi ne sommes nous jamais d'accord du point de vue du gôut ? Pourquoi semblons d'accord pour ne pas être d'accord dans cette « folle liberté du gout ». Comme si pour reprendre Kant il y avait un désaccord des facultés voire un privation de liberté par ces règles imposées presque contre nature : nous serions contrariés dans notre disposition naturelle. Il n'y aurait pas de règles, pas de normes et tous les goûts serait dans la nature au motif selon Hume que le beau ne peut être une qualité de l’objet et que chacun perçoit les choses comme il les ressent. C'est une forme de liberté. Une sorte d'expression libre du sujet, le triomphe de la nature sur la norme. Mais ne serait-ce pas une illusion que de supposer qu'il n'y a jamais de règles, de normes. En revenant à cette nature naturante pour rependre Spinoza, ne parvenons nous pas à une forme de dénaturation. Une sorte de confusion entre la nature et l'instinct là ou Kant avait permis de construire un nouveau rapport entre le sujet et l'objet. Ainsi le goût peut-être déréglé non pas au sens de l'esthétique de la laideur qui a un sens dans l’histoire de l'art mais dans une forme d'expression de l'instinct qui devient cette expression de soi. Une sorte d'autobiographie permanente dans la mise en scène de soi. Un art réglé sur soi, dans une introspection infinie. On pourrait dire qu'alors le goût est sans fin car détruit par le relativisme et l'absence de règle. Or, la question des fins est à prendre au sérieux car elle suppose que nous soyons à même d'aller au delà du simple jugement de goût par le jugement critique.

Se poser la question de la finalité est se demander ce qu'il en est des conditions de production des objets de l'art, de la culture. Bourdieu émet une critique virulente sur l'art de classe qui serait une condition politique et non esthétique du jugement sur l'art. Le goût serait alors une sorte de norme promut par une conscience de classe bourgeoise . C'est la critique que l'on retrouve dans l’École de Francfort avec Adorno et Horkhenheimer dans la dialectique de la raison . Il montre que la marchandisation de la culture et la production industrielle de ses biens entraînent une aliénation du goût et un conditionnement culturelle enlevant l’expression raisonnée du jugement. Adorno disait « Montrer à chacun qu'il y a plus malheureux qu'eux » pour montrer l'aliénation par la culture. Le goût n'est pas normé selon des règles mais selon des contions biomécaniques. Quand Banski crée un dsipsotif pour détruitre une de ses œuvres, ce n'est pas l'eouvre qui prend la valeur c'est l'acte qui fait monter l’enchère comme pour dire que cela ne veut rien dire. Une sorte d'impasse contemporaine.

Aussi, si le goût est subjectif, il n'est jamais détaché d'une norme qui elle même renvoie à une règle. Il n'y a de paradoxe qu'en apparence, car le goût ne peut être détaché d'une forme d'esthétisme qui devrait lui permettre d’échapper à une forme d'aliénation. La règle n’aliène pas le sujet nécessairement à une contrainte mais peut promouvoir une forme de liberté ne serait ce que parce que l'on peut la refuser, parce que l’œil s'éduque dans la recherche d'une fin qui est une forme de l’éthique.